Deux ou trois choses que je sais d'elle, maintenant que les élections présidentielle et législatives sont derrière nous. Ressent-elle une certaine lassitude de la chose politique ? Est-elle, en son for intérieur, plus centriste qu'autre chose ? Est-elle plus heureuse qu'avant les élections ? Que va-t-elle devenir ? Je ne parle pas de Ségolène, mais de la France, bien sûr. Deux ou trois choses que je sais d'elle...
D'abord, ce qui est visible à l'oeil nu. Très personnalisée, l'élection présidentielle a eu quelques effets spectaculaires, dont un taux de participation très élevé. L'inversion du calendrier électoral (mise en place en 2002 sous Jospin) a entraîné une certaine lassitude des électeurs, illustrée par un taux d'abstention aux législatives qui frôle 40%. La bipolarisation a contribué à écraser les extrêmes, tout en siphonant certaines idées et personnalités du centre. Le rôle des médias n'a pas diminué, bien au contraire, au risque même de faire des élections nationales un événement "people". Le changement de génération à la tête des partis politiques se traduit par des évolutions assez marquantes : un rajeunissement du gouvernement (moyenne juste en-dessous des 50 ans ?) ; une représentation plus jeune aussi à l'Assemblée nationale (moyenne 54 ans) ; une parité femme/homme qui, tout en restant éloignée du modèle de certains pays nordiques, constitue une amélioration sensible (parmi les ministres, 7 femmes et 9 hommes ; parmi les secrétaires d'Etat, 4 femmes et 12 hommes ; au Palais Bourbon, avec 107 députées, les femmes atteignent le niveau historique de presque 20%, contre 76 élues et 13,1% dans la précédente législature). La parité progresse également au regard des responsabilités confiées à des femmes : autrefois cantonnées dans les affaires sociales et éducatives, elles sont désormais au coeur du dispositif, y compris régalien. Saluons Michèle Alliot-Marie (Intérieur, Outre-Mer, collectivités territoriales), Christine Lagarde (Economie, Finances, Emploi), Rachida Dati (Garde des Sceaux, Justice), Valérie Pécresse (Enseignement supérieur, Recherche), Roselyne Bachelot-Narquin (Santé, Jeunesse & Sports), Christine Boutin (Logement & Ville), Christine Albanel (Culture, Communication), Valérie Létard (Solidarité), Nathalie Kosciusko-Morizet (Ecologie), Fadela Amara (Ville), Rama Yade (Affaires étrangères, Droits de la personne). Notons aussi la place faite aux personnes issues de l'immigration (Dati, Amara, Yade), et la fameuse "ouverture politique" qui est assurément une caractéristique du gouvernement Fillon-2 : anciens membres ou proches du PS (Kouchner, Albanel, Jouyet, Besson, Bockel, Amara), personnalités provenant du "centre" (Morin, Létard, Santini), quelques non-élus (Kouchner, Lagarde, Laporte, et Hirsch hors gouvernement).
D'autres points méritent aussi l'attention, même s'ils sont délaissés par les médias. A mes yeux, un fait politique surclasse les autres : la France est gouvernée assez largement au centre. Non pas par "le Centre" au sens des clivages politiques (UDF, Nouveau Centre, sensibilités à l'UMP, "courants" au PS), mais par son contenu, celui défini et défendu par François Bayrou pendant sa campagne présidentielle. Nous sommes désormais dans une France à la fois post-gaulienne et post-mitterrandienne, qui vient de confirmer l'échec d'idéologies vieillies (Parti communiste, Front national, d'autres dans les marges) face aux réalités du monde contemporain, et qui s'est dotée d'une représentation nationale plus diverse (on progresse, même si la proportionnelle n'a pas été introduite dans les élections législatives). L'échec de François Bayrou et du renouveau politique qu'il entendait incarner peut paraître paradoxal, puisque nombre des idées défendues par lui sont désormais mises en oeuvre, au moins partiellement. Mais, au grand dam des quelque 6,8 millions d'électeurs qui ont voté pour Bayrou au premier tour de la présidentielle, la justesse de ses analyses ne s'est pas accompagnée d'un réalisme suffisant dans l'action politique, dans un système où le pouvoir n'est accessible qu'à travers des alliances. Ajoutons que la campagne de Nicolas Sarkozy, de François Fillon et de leurs amis a été remarqueblement menée, que le candidat de l'UMP n'a pas hésité à défendre des idées contestées par l'opposition ou par des médias, et que son programme de gouvernement présentait l'avantage d'une certaine cohérence. En face, les hésitations sur le ou la candidat(e) pour la présidentielle, la persistence de courants minoritaires-de-blocage (Laurent Fabius), l'absence de ligne directrice (par exemple à l'égard de l'Union européenne), une organisation polycentrique et des méthode de travail disparates, semblent avoir durablement affaibli le Parti socialiste. Il est frappant de constater que même l'électorat féminin a moins soutenu Ségolène Royal qu'on ne pouvait s'y attendre, et que la candidate du PS a déçu par ses priorités changeantes, ses méthodes incertaines, ses entourgaes successifs, mais aussi par une pointe de condescendance qui a surpris même des membres de son parti.
Quelles évolutions peut-on discerner à plus long terme ? D'abord, la France peut désormais se prévaloir d'un "acquis" que les futures législatures et les gouvernements à venir, ne pourront négliger qu'à leur péril. François Mitterrand a su incarner l'"alternance", concept qui ne sent plus le soufre. Le PS renaîtra, peut-être sous un vocable différent, sans doute blairiste. Sans doute d'autres partis sauront-ils se reconstituer, grâce aux efforts des déçus de la Place du Colonel Fabien, du Front national ou des exégètes de la lutte des classes. Mais désormais, je vois trois enjeux majeurs d'ordre politique (au fait, proclamer que là est l'essentiel ne garantit nullement que la politique aille forcément dans ce sens): un rééquilibrage des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif, entre les branches de l'exécutif (présidence, gouvernement), mais aussi entre divers modes de représentation (députés élus au suffrage universel direct, sénateurs élus par un collège territorial, Français de l'étranger qui, aujourd'hui représentés au Sénat, préfèreraient l'être à l'Assemblée, et des échelons territoriaux dont certains me paraissent désormais superfétatoires) ; une redéfinition des rôles respectifs de l'Etat, des collectivités territoriales, des acteurs économiques et de la société civile, selon des principes de subsidiarité et d'équité qui restent à énoncer clairement ; enfin, la poursuite des efforts en faveur de l'égalité entre femmes et hommes, entre segments de la société, entre les citoyens de vieille souche et ceux qui ont rejoint plus récemment la nation. Si nous ne voulons pas que nos enfants et petits enfants se réfugient dans la spirale de la consommation et dans la facilité de l'insignifiant, alors il faudra bien leur montrer qu'il n'y a d'autre choix que de pratiquer une politique probe, équitable et à long terme, et que cela dépendra entièrement d'eux, comme cela dépend de nous dès aujourd'hui.
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Two or three things I know about her, now that the presidential and parliamentary elections are behind us. Is she bored with politics? Is she, deep inside, more inclined to the centre than to either right or left? Is she happier than before the elections? What is her future? I'm not referring to Ségolène, of course, but to France. Two or three things I know about her...
First, what stands out at first sight. Very much based on personality, the presidential election had some spectacular effects, including a high voter turnout. Ever since the political calendar was inverted (in 2002, when Lionel Jospin was Prime Minister), voters have become rather weary, as evidenced in the abstention rate, close to 40% in the parliamentary elections. The trend towards 2 dominant political parties has helped crush the extremes, while at the same time siphoning away ideas and political allegiances from centre ground. The role of the media has not diminished in any way, even at the risk of turning national elections into a "people" event. A new generation at the head of political parties is bringing about quite some powerful changes: a younger government (average age just below 50?); also, a younger representation at the National Assembly (average age 54); more gender equality which, though still far removed from the model of some Nordic countries, is really being carried forward (among the Cabinet ministers, 7 women and 9 men; among the junior ministers, 4 women and 12 men; and at the Palais Bourbon (seat of the National Assembly), with 107 women elected, the historic level of almost 20% has been reached, against 76 women or 13.1% previously). Gender equality has also improved if you look at the responsibilities exercized by women in the government: whereas in the past their purvue was limited to social affairs and education, they are now in the centre of power, including in regalian matters of State. Congratulations to Michèle Alliot-Marie (Home, Overseas, Territorial affairs), Christine Lagarde (Economics, Finance, Employment), Rachida Dati (Justice), Valérie Pécresse (Higher education, Research), Roselyne Bachelot-Narquin (Health, Youth & Sports), Christine Boutin (Housing & Urban affairs), Christine Albanel (Culture, Communication), Valérie Létard (Solidarity), Nathalie Kosciusko-Morizet (Environment), Fadela Amara (Urban life), Rama Yade (Foreign affairs, Human rights). Also noteworthy is the place given to people from immigration (Ms. Dati, Ms. Amara, Ms. Yade), as well as the now famous "politcal opening" which is a trademark of the Fillon-2 Government: former members or followers of the Socialist Party (Kouchner, Albanel, Jouyet, Besson, Bockel, Amara), people from the "centre" (Morin, Létard, Santini), a handful of people who did not run for the parliamentary election (Kouchner, Lagarde, Laporte, and Hirsch outside of the Cabinet proper).
Some other points deserve attention, even if they've been neglected by the media. To my mind, there is one paramount political fact: France is quite largely governed at the centre. I don't mean "the Centre" in party politics (UDF, Nouveau Centre, some tendencies at UMP, "currents" at the Socialist Party), but by virtue of its content, as defined and uphelp by François Bayrou during his presidential campaign. France has now entered an era which is both post-De Gaulle et post-Mitterrand, thus underlining the failure of ageing ideologies (upheld by the Communist Party, the National Front, others on the sidelines) when confronted with the realities of our times; France has also chosen a national representation endowed with more diversity (some progress has been made, even though proportional representation was not introduced in the parliamentary election). The defeat of François Bayrou and of the political renovation he purported to stand for may seem to be a paradox because a number of the ideas he defended are now being implemented, at least in part. But, to the disappointment of the 6.8 millions voters who chose Bayrou in the first round of the presidential election, the pertinence of his views was not matched by a sufficient degree of realism in his political action, in a system where political power is only within the reach of alliances. One must add that the campaign led by Nicolas Sarkozy, François Fillon and friends was conducted in a remarkable way, that the UMP candidate never backed away from defending his ideas when they were drawn over the coals by the opposition or the media, and that his programme for government had the advantage of being quite coherent. On the other side of the street, haggling over whom to designate as candidate for the presidential election, the persistence of veto-minded minorities (Laurent Fabius), the absence of an agreed line of conduct (e.g. regarding the European Union), a multi-centered structure and dissonant working methods, seem to have brought about lasting damage to the Socialist Party. It's quite striking to see that even female voters came out less in favour of Ségolène Royal than had been expected, and that the Socialist candidate disappointed her following by shifting her priorities, by resorting to inefficient methods, by changing her team during her campaign, but also by a somewhat condescending tone, which surprised even members of her own party.
What could be some of the long term trends? First of all, France can now rest assured that it has a domestic political "acquis" which future legislators and governments could only neglect at their own peril. François Mitterrand was able to symbolize "alternance" (between left and right), a concept which is no longer taboo. The Socialist Party will be reborn, probably Blairite in complexion, perhaps under another name. Other parties will no doubt manage to rebuild, thanks to the efforts of disgruntled representatives from Place du Colonel Fabien (headquarters of the French Communist Party), the National Front, or the proponents of class struggle. Be that as it may, I see three major political challenges (by the way, proclaming that these are essential can in no way guarantee that politics will take that road): a new institutional balance between the executive and the legislative branches, between the 2 poles of executive power (president, government), but also between various types of representation (direct universal suffrage for the National Assembly, senators selected by a territorial college, French citizens living overseas who are currently represented in the Senate but who would prefer to hold seats in the National Assembly, and levels of territorial representation, some of which seem to me quite superflous nowadays); the necessary redefining of the respective roles of State, regional and local government, economic actors and society at large, in accordance with the principles of subsidiarity and fairness, which have yet to be clarified; and finally, continued efforts towards equality between women and men, between segments of society, between citizens of long standing and those who have more recently joined the nation. If we want to avoid our children and grandchildren seeking refuge in the spiral of consumerism, or falling into the trap of insignificance, well, we have to show them there is no other way than to put into practice an honnest, equitable and long-term polity, and that the result will depend entirely on them, in the same way it depends entirely on us today.
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